Déconfinement : une belle opportunité pour l’agritourisme
« On pense que l’agritourisme va tirer son épingle du jeu cet été », décrit Gaétan Mérieau, président de Bienvenue à la ferme Pays de la Loire et membre du comité technique national de ce réseau géré par les chambres d’agriculture, premier acteur de l’agritourisme en France.
Des sites d’agritourisme très consultés
« On observe à l’échelle nationale, depuis quelques semaines, une explosion de la consultation de nos sites et de nos pages sur les réseaux sociaux. Pour les produits fermiers, mais aussi pour les séjours et les activités à la ferme. Les français ont besoin d’un bol d’air ».

L’engouement pour les produits fermiers, Gaétan Mérieau l’a vécu de l’intérieur, puisqu’il est aussi gérant d’un magasin fermier au Poiré-sur-Vie (85) : « Nous avons eu davantage de clients à la boutique pendant le confinement, car les Français étaient à la recherche de petites structures. » L’engouement pour les produits fermiers va-t-il se confirmer ? « C’est trop tôt pour le dire ». Gaétan Mérieau ne craint pas tant le report sur des produits de grande surface, mais la perte globale de pouvoir d’achat des consommateurs en cas de récession généralisée.
Tourisme : plus de campagne et moins de ville
Sur le volet « séjour », tous les opérateurs le constatent : en cet été post-Covid, le logement privé, le littoral, la campagne et la montagne, et les séjours économiques ou de moyenne gamme séduisent. Les activités en clubs, les hébergements en ville et l’hôtellerie de luxe ont plus de difficultés. Les palaces parisiens, par exemple, font particulièrement grise mine…
Ces tendances font les affaires des plateformes entre particuliers comme Airbnb ou Abritel, qui enregistrent plus de réservations cet été 2020 que l’été précédent. Selon Airbnb, les deux départements dont les réservations ont le plus augmenté sont la Dordogne (+ 210 % de réservations par rapport à 2019) et l’Ardèche (+ 190 %), deux départements qui misent depuis toujours sur la valorisation du terroir et de la ruralité.

L’accueil des familles citadines par les familles rurales, c’était aussi l’ambition du réseau des Gîtes de France, lors de leur création en 1954. Aujourd’hui encore, l’offre d’hébergements de Gîtes de France est essentiellement rurale. Elle bénéficie donc d’un bel engouement pour ses réservations depuis la fin du confinement. Si dans les années 1950, l’offre d’accueil était essentiellement agricole, aujourd’hui, sur les 60 000 hébergements du réseau, 5000 seulement sont sur des exploitations agricoles. Le moteur de recherche permet néanmoins de sélectionner cette option lors de la réservation. Il propose également des expériences agritouristiques plus poussées avec l’option « Bienvenue à la ferme » dans le cadre d’un partenariat avec le réseau des chambres, ou encore une option « œnotourisme ».
Une saison touristique plus longue
Les séjours à la ferme est aussi la spécialité « d’Accueil paysan », qui rassemble environ 800 offres d’hébergements à travers toute la France. Le petit plus de ce réseau semble sa forte dimension éthique et sociétale, des valeurs plébiscitées ces derniers temps. Pierre-Jean Bartheye, coprésident de la Fédération nationale d’Accueil paysan, constate une tendance à l’augmentation des réservations et sur une période plus large que l’an dernier : « Avant, ça avait tendance à se concentrer sur la période 14 juillet-15 août. Cette année, les séjours se distribuent sur les deux mois, peut-être en raison justement de l’affluence sur les périodes initialement voulues ».
Vivre une expérience agricole
Dans ces séjours paysans, les relations humaines et les partages autour des activités agricoles sont toujours très présents. Ce partage, mais sur le temps plus court d’une soirée, est également proposé par Philippe Marchais, vigneron près de Nantes, avec ses « nuits en tonneau, les vignes au clair de lune ». « L’hébergement insolite, avec nos habitats en forme de tonneau, c’est quelque chose que les gens apprécient. Mais ce qui fait la vraie valeur du séjour chez nous, c’est qu’on leur raconte notre histoire. Le temps d’une soirée, on partage notre métier de vigneron. Après le Covid, les gens ont besoin d’espace, de plein air. J’ai la chance d’être proche de la ville. Les gens se rendent compte qu’il n’y a plus besoin de faire 300 km pour trouver du plaisir ! ».

Des pertes d’activité qui ne se rattrapent pas
L’excellent été qui se profile pour l’agritourisme ne doit pas faire oublier la perte d’activité liée à la crise. « Ce qui est perdu est perdu, le manque à gagner ne sera pas rattrapable », commente Pierre-Jean Bartheye. La perte a été significative pour beaucoup d’hébergeurs qui n’ont pas rempli leurs logements durant les week-ends et vacances du printemps 2020. Mais elle l’a été encore plus pour ceux dont l’activité se fait en lien avec l’accueil de public : les fermes pédagogiques, les loueurs de salles (pour séminaires ou mariages), et les fermes équestres.
De nouvelles activités
Ces difficultés ont néanmoins parfois stimulé l’imagination des exploitants et donné naissance à des activités nouvelles. Philippe Marchais a vu disparaître toute son activité de location de salle de 200 personnes, pour les mariages, comme pour les entreprises. « Nous avons échangé avec l’un de nos traiteurs habituels que nous prenions pour les mariages. Lui aussi était en arrêt d’activité et un peu dépité. Et nous avons eu l’idée de mettre en place des « déjeuners chez le vigneron », le midi, en plein air sur notre terrasse couverte d’une toile. Les convives réservent leur repas auprès du traiteur, et moi, je leur offre un verre de vin ! ».
D’autres initiatives solidaires ou originales se font jour à plus grande échelle, associant souvent les acteurs locaux du tourisme. Par exemple, Bienvenue à la ferme Pays de la Loire travaille en ce moment avec une agence de voyage locale sur une offre complète de tourisme à la ferme, combinant hébergements, visites et diverses activités comme des cours de cuisine. De son côté, l’association Agriculteurs de Bretagne s’est rapprochée de la plate-forme AgriVillage pour proposer des réservations d’activités à la ferme, en remplacement des traditionnelles journées portes ouvertes des exploitations.